Qui était Ismérie ?
Qui était Ismérie ?
Ismérie était une princesse musulmane, fille du sultan d’Égypte, devenue chrétienne au XIIe siècle par l’intercession de la Vierge Marie. Son histoire est à l’origine du grand sanctuaire de Notre Dame de Liesse, dans l’Aisne, près de Laon.
Le patronage d’Ismérie et du sanctuaire de Liesse témoigne de la dimension catholique de notre association, historiquement engagée auprès de ceux qui, convertis de l’islam, choisissent le Christ.
L’histoire d’Ismérie
En 1134, Ismérie, très belle et savante en islam, est missionnée par son père, le sultan d’Égypte al-Hazan pour convertir trois chevaliers français prisonniers de ses geôles. Les trois frères d’Eppes, croisés de l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean, furent faits otages en Terre sainte et emmenés en captivité au Caire, quelques mois auparavant.
Mais ce sont les chevaliers qui, en parlant à Ismérie de la Vierge Marie, déclanchent sa propre conversion. Au détour de leurs conversations de foi, la jeune femme demande au trois frères de lui sculpter une statue de cette mystérieuse Dame, mère du Dieu unique en trois personnes. Dans la nuit apparaît mystérieusement et miraculeusement dans la cellule la statue de la Vierge portant l’enfant Jésus. Ismérie, quant à elle, fait un songe : Notre-Dame lui inspire de délivrer les chevaliers et de devenir chrétienne.
Le lendemain, Ismérie, voyant la statue, s’écrie de joie : « Je veux servir cette Dame tant que je vivrai, et son fils aussi, et je promet de me faire baptiser ! ». Alors, tous décident d’appeler l’image Notre-Dame de Liesse, « car elle donne et donnera toujours la liesse au cœur ».
Tous s’enfuient vers la France, et regagnent le Laonnois natal des chevaliers. Ismérie est baptisée sous le nom de Marie en 1134, par l’évêque de Laon. Elle épouse Robert d’Eppes, l’aîné des chevaliers. Vivant une vie de piété et de charité, elle se retira dans un couvent où elle donna l’exemple de toutes les vertus. Les autres chevaliers prirent femme et vécurent pieusement le reste de leurs jours. Tous auraient été enterrés dans l’abbaye de Saint-Vincent, à Laon.
Histoire d’Ismérie à partir de Bruno Maës, Notre Dame de Liesse, huit siècles de libération et de joie, Éd. O.E.I.L., 1991
D’Ismérie à Notre Dame de Liesse
A la suite d’Ismérie et des chevaliers d’Eppes, une chapelle sera construite pour abriter la statue miraculeuse. Elle devint lieu de grande dévotion populaire à Notre-Dame de Liesse. La localité, autrefois appelée Lience, prit le nom de Liesse. A partir du XVe siècle, Notre-Dame de Liesse est progressivement considérée comme l’une des saintes patronnes de la dynastie capétienne. L’église est érigée en basilique, et les rois de France, jusque Charles X, viendront tout particulièrement en pèlerinage, le sanctuaire se situant non loin de Reims, la ville du sacre.
Aujourd’hui, à l’imitation d’Ismérie et des trois chevaliers, puisse Notre-Dame de Liesse apporter « toujours liesse et joie au cœur » aux convertis venus de l’islam et intercéder pour eux, que leur ancienne religion condamne théoriquement, du point de vue de la doctrine, à mort :
« [Notre-Dame de Liesse] est secourable à ceux qu’on veut faire mourir à tort, quand ils la réclament de bon cœur, comme cela apparaît par les trois chevaliers. »
La part de la tradition, la part de l’histoire
La tradition
Selon la tradition attachée au sanctuaire de Notre Dame de Liesse, trois chevaliers picards, le seigneur de Marchais et les deux frères d’Eppes, se battaient en Terre Sainte avec Foulques d’Anjou dans la première moitié du XIIe siècle. Ils furent faits prisonniers des Sarrasins d’Ascalon près de Jérusalem et emmenés au Caire pour être présentés au Sultan d’Égypte, El-Afdhal. Ces chevaliers appartenaient à l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ils furent enfermés durant deux années sans que les promesses et les menaces ne puissent venir à bout de leur foi. Ismérie, la fille du Sultan, devait les amener à la religion de Mahomet. Mais ce furent les chevaliers qui lui enseignèrent la Bonne Nouvelle du Christ. C’est ainsi qu’elle les entendit parler de la Sainte Vierge et qu’elle exprima le désir d’en voir une image. Un matin, les chevaliers trouvèrent près d’eux une petite statue de la Vierge Marie qu’un ange avait apportée dans la prison pendant la nuit. Visitant les prisonniers, Ismérie se fit remettre la statue miraculeuse. Touchée par la grâce, la princesse se convertit et décida de partir pour la France avec ses trois parrains tout en emportant la statue. Les chaînes tombèrent, les portes s’ouvrirent et ce fut la liberté… Après une longue marche, les fugitifs s’endormirent épuisés. A leur réveil, ils reconnaissent leur patrie et perçoivent alors le miracle. Grande est leur joie : la Sainte Vierge les a ramenés chez eux, à proximité de Marchais ! Ismérie veut alors prendre la statue miraculeuse mais celle-ci devient si lourde qu’elle doit la reposer. Les chevaliers essaient aussi de la soulever, en vain. Ils comprennent que la Sainte Vierge veut être vénérée à cet endroit, qui déjà s’appelle Liance. Ils font donc vœu d’y construire une église qui recevra le nom de « Notre Dame de Liesse » en souvenir de cette délivrance joyeuse.
La trace historique
Dans ce récit, il existe sans nul doute un élément historique. Au début du XIIIe siècle, peut-être avant, Robert d’Eppes avait épousé une Sarrasine. En 1236, un de ses fils, Jean, est en effet désigné sous le nom de « fils de la More » (Maure). Un autre seigneur de Marchais, Gervais, fut dénommé « le Sarrasin ». On peut donc avancer que le récit conserve à la fois le souvenir de la croisade des trois chevaliers(*), Jean, Hector et Henri, fils de Guillaume Ier, sire d’Eppes, celui du mariage insolite de l’un d’entre eux avec une femme orientale et celui de l’intervention miraculeuse de la Vierge Marie.
On sait par ailleurs que les chanoines de la cathédrale de Laon avaient élevé en 1115 une chapelle dans le village de Liesse (ou Liance), dans l’Aisne, à quelques kilomètres de Laon, sur une terre dépendant de la seigneurie de Marchais. Ils y utilisèrent des matériaux restants de la construction de leur cathédrale. L’édifice fut ensuite rebâti en 1384 et en 1480, puis enrichi par des dons de pèlerins de haute lignée.
Le pèlerinage
En ce lieu, une vierge en bois foncé devint ainsi l’objet d’un pèlerinage célèbre. C’est cet afflux des fidèles qui conduisit les chanoines de Laon à reconstruire la chapelle dès 1384. A partir du XVe siècle, les rois et reines de France s’y déplaceront aussi, car ils conservaient des liens réguliers avec le berceau de leurs origines monarchiques de Laon, Soissons et Reims.
Ainsi Charles VI se rend à Liesse en 1414. Louis XI la visitera en quatre occasions. En 1602, Marie de Médicis y vient remercier la Vierge pour la naissance du futur Louis XIII et offre au sanctuaire le retable noir et or, la colonnade de jaspe et l’arc triomphal qui encadrent le maître-autel. Louis XIII et Anne d’Autriche y imploreront un héritier à plusieurs reprises. En souvenir de leurs passages, ils offrirent un grand tableau les représentant à genoux devant la Nativité. Le roi consacrera d’ailleurs le royaume à Marie. En 1652, Louis XIV y vient remercier la Vierge pour les faveurs accordées à sa mère quant à sa providentielle naissance qui lui valut le nom de « Dieudonné ».
Par ailleurs, lors de grandes calamités, certaines villes formuleront des vœux à Notre Dame de Liesse. Ainsi Dieppe en 1630, qui offrira au sanctuaire un vaisseau d’argent gravé en lettres d’or : « Vœu public de Dieppe ».
Pendant la Révolution, la statue miraculeuse fut malheureusement brûlée et les exvotos confisqués, mais l’église fut pourtant épargnée et de pieuses mains parvinrent à dissimuler les cendres et charbons de la statue.
Le culte reprit au XIXe siècle et la dévotion mariale retrouva son développement dans le diocèse de l’Aisne. Une nouvelle statue fut couronnée solennellement en 1847 avec la bénédiction du Pape Pie IX. Sculptée en ébène, il semble qu’elle s’éloigne un peu du modèle original, qui était de style très simple. Elle contient dans son socle les cendres et charbons sauvegardés lors de l’autodafé révolutionnaire.
Durant la guerre de 1914-1918, Liesse fut occupée par les Allemands. Le site subit des dégradations mais la statue ne fut pas détruite. Après la victoire, Monseigneur Binet, évêque de Soissons, plaça son diocèse sous le patronage de la Vierge Marie. En 1921, il partit à pied de Soissons, entouré de 5000 anciens combattants et traversa le champ de bataille du Chemin des Dames pour arriver en pèlerinage à Liesse.
En 1934, le pèlerinage du huitième centenaire du sanctuaire de Liesse rassembla plus de cent mille personnes en présence du Légat du Pape.
L’Ordre de Malte considère aujourd’hui Notre Dame de Liesse comme l’un de ses sanctuaires majeurs en raison de la qualité d’hospitalier attribuée aux trois chevaliers croisés à l’origine de cette geste.
Épilogue
Les temps de la croisade sont révolus. Quels enseignements actuels tirer de cette histoire, maintenant que l’islam est implanté en Europe ? Quel lien entre cette situation nouvelle et la conversion d’une jeune musulmane rencontrant de pieux chevaliers du XIIe siècle ? Quel rapport établir entre ce récit médiéval et nos pèlerinages auprès de la statue miraculeuse ? L’ex-musulmane Ismérie accueillie en terre de France reçut le prénom de Marie et fut baptisée par Barthélemy de Jur, évêque de Laon. Puis elle vécut saintement près de son époux et près de sa mère à Marchais. Si miracle de Liesse il y a, il se joue aussi dans la joie d’une union prophétique gagnée sur l’adversité par la puissance de la foi. C’est cela que la Vierge Marie voulut signifier quand sa statue se fit si lourde au point d’indiquer le lieu où louange lui serait rendue en souvenir de cette heureuse issue.
Les prières et pèlerinages qui se poursuivent à Liesse auprès de Notre Dame, à l’instar de celles des prisonniers du Caire et de celles de nos rois nous montrent le chemin par lequel il faut aller. C’est celui que Mission Ismérie a choisi d’emprunter.
« Un grand signe parut dans le ciel : Une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, une couronne de douze étoiles sur sa tête »
Saint Jean, Apocalypse 12
D’après Patrick Decléty, diacre
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